Vous avez sans doute suivi les épisodes malheureux qui se sont produits depuis 2021 entre la Marina de Rivière-Sens - 3 comblements en un peu plus d'un an, et la route de Vieux-Fort - 4 éboulements majeurs, dont le dernier a failli faire passer de vie à trépas un conducteur qui passait par là. Par chance il savait nager, et a pu s'enfuir par la mer.
Suivez donc la série "Rivière (aucun) - Sens", nous arrivons bientôt à la saison 4.
Vous allez dire que je suis mauvaise langue. Mais ma langue de Toto-Bois m'est bien utile pour dénicher les anguilles sous roches (ou plutôt les vermisseaux sous écorces).
En un peu plus de trois ans donc, on a assisté à 4 épisodes pluvieux ayant donné lieu à des débordements et des comblements dramatiques. Certes il a beaucoup plu. Mais pas plus que pendant les décennies précédentes, et pendant lesquelles ces phénomènes ne se sont pas produits.
Prononçons dès maintenant le mot qui fâche : carrière.
L'exploitation de la carrière de Rivière-Sens est-elle responsable, peu ou prou, des ces débordements, qui ont causé de gros problèmes à différents niveaux ?
On peut citer la mise en danger de la vie d'autrui, la gêne aux usagers de la route, les coûts de déblaiement. Et aussi, les impacts sur l'environnement marin (déversement de matériaux dans la mer) et terrestre (écosystèmes des ravines détruits). Excusez du peu.
Les avis sont partagés.
Côté Ravine Turlet, tout le monde reconnaît que la gestion par l'exploitant est directement à l'origine des effondrements sur la RD6 à la limite entre Gourbeyre et Vieux-Fort. Je volais sur les pentes des ravines, à la recherche d'un tronc pour y établir mon nid, et j'ai bien vu ce qui se passait. Plutôt que de stocker les matériaux non exploitables en des lieux appropriés, selon les recommandations des services de l'État, disons que les camions préféraient tout balancer dans la ravine. Je suis bien triste car à l'heure ou je vous parle, cet écosystème est détruit, empli de matériaux qui empêchent toute vie végétale ou animale. Vous vous voyez vivre dans un bac à sable vous ?
Par contre, pour ce qui est de la Ravine Salée, celle qui mène à Rivière-Sens derrière la marina, deux courants s'affrontent.
Equipe des Bleus : le discours officiel, étayé par un rapport de l'ICPE (Installations Classées Pour l'Environnement) est que d'après les photos prises par drone, il n'y a pas eu déversement de matériaux dans la ravine par SGE depuis le haut de la carrière. Donc les matériaux retrouvés dans la marina proviendraient des zones de glissement de terrain d'autres zones de la ravine.
Equipe des Verts (au hasard) : grâce à une méthode éprouvée (prendre de bonnes baskets, un appareil photo, et monter voir là-haut comment c'est), le constat est différent. Le collectif qui s'est monté en 2023 nous a expliqué la chose suivante : en rive gauche de la ravine, à cause du non-respect des préconisations de gestion, des glissements de terrain se sont produits depuis la limite de la carrière, au moins à partir de 2014. La crête avait été très fragilisée par l'exploitation, et en 2016, on constate un éboulement majeur. D'après le collectif, ce sont ces matériaux, vus de leurs yeux vus, issus de la carrière qui ont au final en partie comblé la marina.
Allons donc mener l'enquête...
Samedi donc, profitant d'un temps clément, les fidèles lieutenantes (un seul lieutenant) d'AEVA partent à l'assaut de la pente sud de la Ravine Salée, guidés par Alain Dukolektif 🤗
Juste après les restes d'une sépulture ancienne, à gauche toute pour descendre dans le lit de la ravine.
Nous sommes au niveau de l'éboulement majeur. Au-dessus, le lit de la ravine n'a pas ce faciès empli de graviers
Notre laborantine en chef prélève un sachet de sable et graviers. Ce sont les mêmes graviers que nous allons retrouver sous la végétation de lianes et d'herbes, en remontant la pente. Qui est raide !
La photo de gauche montre la pente de l'éboulis. Celle de droite montre la beauté des pentes de la rive droite, qui elles sont épargnées par les éboulements...
Après quelques glissades, nous atteignons le sommet de la pente. C'est impressionnant car un canyon a été creusé au niveau de la crête. Nous maîtrisons notre vertige, et observons les lieux. De part et d'autre de la pente que nous venons de gravir, deux petites ravines secondaires font office de collecteurs de graviers lors des fortes pluies. Elles rejoignent la Ravine Salée.
A gauche : limite Sud de la carrière, on voit que la crête a été arasée, et qu'un canyon a été creusé
Ce canyon creusé par l'exploitant rejoint la Ravine Turlet, avec les débordements que l'on sait.
Ce qui est frappant, c'est le contraste entre les pentes de l'autre rive de la Ravine Blanche, magnifiques et épargnées par les glissements de terrain.
Nous soutenons donc l'hypothèse de l'équipe des Verts.
Et posons la seule question qui présente un intérêt à nos yeux : comment arrêter le massacre des Monts Caraïbes ?
Pour en savoir plus, vous pouvez lire la synthèse préparée par le collectif, en cliquant ici !
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