Les interviews pas du tout imaginaires du Toto-Bois.
Où l'on se rend compte qu'aucune vérité n'est jamais acquise.
Hé bien aujourd'hui, chers fidèles lecteurs, nous allons parler d'un sujet passionnant : moi ! Le phénix des hôtes de ces bois, j'ai nommé le Toto-Bois, Tapé, Tapeur, Pic de la Guadeloupe, Melanerpes herminieri (en latin dans le texte).
Ceux qui ont suivi mes aventures et dont la mémoire ne flanche pas vous diraient :
"Le pic habite dans les forêts et zones boisées de la Basse-Terre et dans les Grands-Fonds en Grande-Terre. Il n'est pas capable de voler à découvert sur plus de quelques dizaines de mètres, et c'est pour ça que les deux populations sont maintenant isolées".
Je dis bravo, c'est déjà bien d'avoir mémorisé tout ça.
Mais ne voilà ti pas que pas plus tard que le dimanche 5 février, ces certitudes se sont effondrées, tels les glaciers sous l'action du réchauffement climatique.
Je vais donner la parole aux trois mousquetaires, ils sauront mieux que moi vous raconter l'affaire.
D'Artagnan (Anthony), Athos (Antoine) et Aramis (Alexandre). Que des A vous l'aurez noté. Portos était absent, c'était son jour de RTT.
Toto-Bois - Anthony, peux-tu m'expliquer où tu te trouvais hier, et ce que tu as vu d'extraordinaire ?
Anthony - Nous venions d’emprunter le petit chemin au sud de Goguette, au bord de la N6, qui se situe environ à mi-distance entre les bourgs de Port-Louis et d’Anse-Bertrand. C’est ce chemin qui mène aux marais de Port-Louis. J’ai alors aperçu une silhouette familière, en vol au-dessus du chemin : un Tapeur ! Ce qui est troublant, c’est qu’il a volé sur près de 400 mètres à découvert ! Et ce n’est pas tout, vous savez quoi ? Et bien ce Tapeur il avait le vol ondulant typic des piques ! [Pas pu résister, ndlr]. J’avais déjà eu l’occasion de le voir voler ainsi deux ou trois fois mais j’étais seul et avec mon faible pour les jus locaux je n’en parlais pas trop…
Toto-Bois - Antoine, confirmes-tu les dires d'Anthony ? N'avait-il pas, comme ça lui arrive parfois, abusé du jus de gwozey péyi ?
Antoine - On a rarement besoin de confirmer les observations d’Anthony ! [fayot, ndlr] mais il nous laisse les partager avec lui…
Il était au volant de son Duster, à regarder en l’air - ce qui n’est pas très rassurant quand on est passager ;-) Tout à coup je ne sais pas quelle mouche le "pique", il s’écrie "PIC, PIC, PIC" alors qu’un toto-bois passe devant nous. Je ne réalise pas tout de suite l’engouement d’Anthony le cocheur pour cette observation de pic endémique, mais commun en Guadeloupe. Je suis à la jumelle l'individu qui, après s’être posé dans un arbre, se fait chasser par un Quiscale merle et continue sa route vers le nord.
"Gamin, c’est l’observation la plus nordique de cette espèce" me dit-il ! En effet, les données les plus proches au sud sont toutes de Beautiran à Petit-Canal, par Frantz, Eric et d’Artagnan justement.
Ce n'était pas un oiseau rare, mais c’était beau quand même…
Toto-Bois - Alexandre, qu'as-tu à ajouter pour finir de nous convaincre de la véracité de cette observation ?
Alexandre - Il s'agissait de ma deuxième sortie avec Amazona, au programme du jour : les oiseaux des marais. Résidant en Guadeloupe depuis peu, j'ai appris dernièrement que le Pic pouvait se laisser observer jusqu'aux Abymes. Je ne m'attendais donc pas à le voir à Port-Louis. Comme l'a dit Antoine, Anthony est devenu fou lorsqu'il a vu le Pic pour sa première apparition. J'étais à l'arrière, je n'ai rien vu... En revanche, lorsqu'il s'est montré pour la deuxième fois, j'ai pu bien le voir et il m'a effectivement fait penser aux pics métropolitains s'éloignant au loin, à découvert et en ondulant. C'était mon premier contact avec la bête, il était un peu loin, mais à en croire les connaisseurs, cette observation est particulière, présence la plus au Nord jamais constatée et vol ondulant rarement observé !
Vous savez donc ce qui vous reste à faire. Lever le nez le plus souvent possible lorsque vous vous trouvez en Grande-Terre, dans l'espoir de porter votre pierre à l'édifice de la connaissance. Evidemment cette découverte pose de nouvelles questions, mais c'est toujours comme ça. Par exemple, est-ce que les pics du nord ont dans le coeur le soleil qu'ils ont aussi dehors ?
C'est à se demander si on ne ferait pas mieux d'arrêter de se poser des questions, et ainsi s'approcher au plus près de la vérité.