Moi je suis un oiseau poli et respectueux du droit. Alors je me sens un excellent porte-cuicui pour demander au porteur du projet Supermotard, et à l'Etat français, de respecter ce qui doit l'être.
Imaginez : moi le Toto-Bois (Pic de la Guadeloupe pour les nouveaux, ou encore Toto-Bois pour les intimes), je suis la seule espèce d'oiseau endémique de cette petite île. L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature considère que je suis quasiment menacé. Je suis protégé par la Loi française. J'ai un peu les chevilles qui enflent, mais c'est un fait : je suis emblématique et patrimonial, alors respect !
Et ne voilà-t-il pas que le corridor écologique entre les deux parties de la Guadeloupe est menacé par un projet de circuit, sur lequel des motos et karts pourraient circuler à 200 km/heure. C'est grâce à ces trames vertes et bleues (inscrites dans la Loi messieurs zé dames) que l'écosystème a une une chance de continuer à fonctionner à peu près correctement (ce qui est déjà bien compliqué, un des gros problèmes du territoire de la Guadeloupe étant le mitage des terres).
Et puis bonjour le bruit (moi et les autres espèces protégées, ça ne va pas nous arranger), les poussières (qui vont atterrir sur la végétation et les animaux du coin), les hydrocarbures (je me demande bien comment ils vont empêcher les fuites), le risque d'inondation (vous avez entendu parler d'un truc qui s'appelle le réchauffement climatique et la remontée des eaux qui va avec ? Eh bien dans quelques dizaines d'années, ce circuit aurait les pieds dans l'eau).
Tout ça est bien embêtant non ?
Mais le meilleur est à venir, asseyez-vous et attachez votre ceinture (et prenez garde à la chute d'objets).
Le site du projet est situé dans l'aire maritime adjacente du Parc National, dans la zone tampon de la Réserve de Biosphère, en limite d'un site RAMSAR (c'est du sérieux : reconnaissance internationale), pour partie dans la zone des espaces remarquables selon la Loi Littoral (donc toute construction interdite sauf aménagement léger), et surtout, dans le DPM naturel.
DPM qu'est-ce donc ? J'ai potassé vous pensez bien, compte tenu de l'urgence.
DPM = Domaine Public Maritime. Inaliénable, inconstructible, disent les textes. Sauf exception pour des aménagements légers, provisoires (30 ans max quand même) et avec remise en état à la fin des réjouissances.
Il y a donc un sacré os là, et une couleuvre que je ne suis pas prêt à avaler (d'autant plus que je suis plutôt du genre insectivore).
Cerise sur la moto, et pas des moindres, le porteur de projet a pris les devants, et a commencé depuis 2016 à remblayer la mangrove (hé ho, t'as pas lu ton code de l'urbanisme ?), selon le tracé exact du projet. Il y a parfois des coïncidences extraordinaires.
Je me suis dit dans ma petite cervelle d'oiseau que la plainte qui a été déposée pour ce délit allait être suivie d'effet, et que le contrevenant serait au moins prié d'arrêter ses âneries.
Hé bien c'est tout le contraire. La Préfecture soutient, et a même pris un arrêté dispensant le porteur de mener une étude d'impact. C'est plus pratique, on pourra faire comme s'il n'y en avait pas des impacts négatifs sur les espaces et les espèces protégées.
Et aujourd'hui (21 janvier 2019), une enquête publique démarre en mairie de Baie-Mahault. Certainement pas pour mes beaux yeux (pas de maquillage pour les Toto-Bois), mais parce qu'il n'y a pas moyen de faire autrement : le projet n'est pas compatible avec le SAR - puisqu'il n'y est pas prévu (allez faites un effort, cherchez tout seuls ce que ce c'est que le SAR). Plutôt que de changer d'endroit pour le circuit, changeons le SAR ! Et donc enquête publique : messieurs-dames, ça vous va un nouveau SAR, et une convention d'utilisation du DPM pour y installer le circuit ?
Je vous conseille vivement la lecture des quelques documents ci-dessous :
- Un avis du Conseil scientifique du Parc national, ils ont pris le temps de regarder la chose sous toutes ses coutures.
- Le communiqué de presse de l'Union Internationale de la Conservation de la Nature, qui s'inquiète de ce qui se trame (ni verte ni bleue).
- Le courrier de MAB France au Ministre de la Transition écologique et solidaire, qui rappelle à la France ses engagements.
Et n'hésitez pas à signer là. Les pétitions, c'est comme la lecture, ça ne peut pas faire de mal.
Si jamais le coeur vous en dit, vous pouvez aussi donner votre avis et faire remonter des observations pour la mascarade l'enquête publique (cliquez là). Vous avez tous les éléments pour vous faire votre propre idée.
L'Union Internationale de Conservation de la Nature s'en mêle
MAB France écrit au Ministre