Saintoises à l'ombre des amandiers.
Le Mercury Day est une manifestation qui mêle promotion d'une marque de moteurs, et festivités. A cette occasion, des centaines de plaisanciers se rassemblent et font la fête. Une société est en charge de l'organisation de cet événement, qui se tient depuis quelques années dans les eaux Guadeloupéennes.
2005, 2006, 2007 : le rassemblement se déroule à l'Ilet Caret.
2008 : il est interdit à Caret par le Préfet, bien que cet îlet ne soit pas dans une aire protégée (ce qui montre que l'absence de réglementation restrictive n'empêche pas de prendre des mesures adaptées à un enjeu écologique).
2009 : les organisateurs exportent le concept à Anguilla.
2010 : il est programmé les 24 et 25 juillet aux Saintes dans la baie de Terre-de-Haut, au lieu-dit du Fond du Curé.
Le maire de Terre-de-Haut est demandeur de cette manifestation. La Direction Régionale de l'Environnement n'a pas donné d'avis défavorable, compte tenu de la médiocre qualité écologique de la zone concernée. Le Préfet a donc donné son autorisation.
Jusqu'à présent, tout va bien.
Il est en effet légitime pour les plaisanciers de profiter de la mer et de la période de vacances pour se retrouver dans une des plus belles baies du monde.
Il est également compréhensible que faute d'arguments scientifiques solides, les services de l'Etat rechignent à interdire une manifestation, prévue dans une zone qui ne fait partie d'aucune Réserve ni Parc National.
Et puis tout de même, allez vous mettre à l'eau au Fond du Curé, on ne peut pas dire que les herbiers soient très étoffés, ni les tortues très abondantes. Il y a bien des populations d'oiseaux qui risquent d'être dérangées, mais pas de quoi fouetter un iguane que diable.
Pourtant, un tel rassemblement ne sera pas de petite ampleur dans cette baie. En quelques heures, des centaines de bateaux, donc des milliers d'usagers, disperseront dans le milieu une quantité certaine d'hydrocarbures, de matières organiques et de déchets non biodégradables.
Les promoteurs de la manifestation mettent en avant qu'il s'agit d'un moindre mal, puisque les fonds sont déjà dégradés. Soit. Mais il faut être conscient qu'il n'y a pas de site déconnecté des autres, et qu'aggraver l'effondrement écologique d'un secteur peut avoir des répercussions sur les autres. Ce n'est pas démontré dans le cas qui nous intéresse, mais dans de telles situations d'incertitude, pourquoi ne pas demander aux porteurs de projets d'en démontrer l'innocuité, conformément à la pratique des études d'impact ?
La Guadeloupe affiche des ambitions louables de tourisme et de développement, durables.
Elle a pour ça des atouts que la majorités des régions françaises lui envient : située dans un hot-spot de biodiversité, dotée du statut UNESCO de Réserve de Biosphère sur TOUT son territoire, bénéficiant d'une diversité de paysages exceptionnelle dans un si petit espace.
Des efforts importants sont consentis pour sauvegarder les espaces et les espèces les plus exceptionnels, par le biais d'espaces protégés. Le Parc National et les collectivités de "la zone d'adhésion" (c'est-à-dire en dehors de la zone de coeur) sont en train de négocier une charte. Elle posera les principes d'un développement respectant tant que faire se peut le caractère remarquable du territoire.
On voit donc que nous sommes loin de la nature sous cloche, confisquée à sa population pour mieux la préserver. Des projets sont d'ores et déjà engagés pour restaurer des milieux, et réintroduire une espèce emblématique, le Lamantin. Projet basé sur la prise de conscience des usagers de la mer qu'ils auront à changer leurs habitudes.
Quel rapport avec le Mercury Day ? Le changement d'habitudes, pourquoi ne pas commencer maintenant ? Pourquoi laisser perdurer un rassemblement qui ne présente d'intérêt ni général, ni culturel, ni sportif, ni traditionnel ?
Et surtout qui donne une image incohérente et négative par rapport aux voeux (pieux ?), affichés à tous les niveaux, d'un développement adapté au patrimoine exceptionnel de la Guadeloupe.