Le petit Larousse nous dit : "Tintamarre : Bruit assourdissant, fait de sons discordants". "Il y avait dans les sycomores un tintamarre de fauvettes (Victor Hugo, Les Misérables)".
Des discordances (géologiques), on peut en observer sur les falaises de l'Est de l'îlet Tintamarre. Ainsi que des fauvettes à l'occasion.
Mais des bruits assourdissants, pas vraiment. Juste le chant des Pailles en queue, des Fous bruns, des Huitriers et Echasses d'Amérique, des Canards des Bahamas. Juste le bruissement de milliers d'Améives, ces lézards de bonne taille. Juste le souffle du vent. Juste les rayons du soleil qui éclairent les rondeurs piquantes des Melocactus, des Raquettes et des Cierges. Et les rondeurs lisses du dos des Tortues charbonnières. Quant aux Requins citrons et aux Carangues, ils sont bien là, mais ne contribuent à aucun tintamarre.
Sur certaines cartes, Tintamarre s'écrit avec un seul r. Tintamare : la couleur de la mer ?
Tintamarre est un îlet proche de la partie orientale de Saint-Martin, et fait partie de la Réserve Naturelle Nationale de Saint-Martin.
Peu ou prou une centaine d'hectares, une partie marine en réserve, ainsi que la zone terrestre des 50 pas géométriques.
Des petits bois à mancenilliers, quelques mares puisqu'il a beaucoup plu depuis le cyclone Gonzalo.
Une ancienne bergerie, qui a vu des moutons jusque dans les années 70.
Et des murets de pierres sèches, édifiés antan lontan par des esclaves pour délimiter les propriétés. Tiens, ça me dit quelque chose les murets. Impression de déjà vécu.
Mais oui, à Petite Terre, qui ressemble un peu à Tintamarre, il y a aussi des murets. Qui hébergent des lézards discrets et redécouverts depuis peu. Ca me revient maintenant, des murets à Scinques. A Petite Terre, et à Désirade, les murets sont des HLM pour l'espèce Mabuya desiradae.
Eh bien figurez-vous qu'en mars 2013, des Scinques ont été découverts sur les murets de Tintamarre. Personne n'avait songé à regarder. C'est un autre genre : Spondylurus. Mais quelle espèce, on ne sait pas. Il faudrait pour celà aller y voir de plus près.
Nous y voilà. En guise d'Armistice, six rêveurs d'AEVA et d'ailleurs sont allés arpenter plusieurs jours durant à Tintamarre. L'idée était de capturer deux spécimens pour la description de l'animal.
Plusieurs écoles se sont affrontées : capture à la main, à la ligne ou au lasso.
Priez pour nous pauvres pêcheurs.
Entraînement sur un Anolis gingivinus. A qui la liberté fut rendue.
Après 5 jours à suer sang et eau, et quelques moments de découragement, nous avons tiré les enseignements suivants :
Cliché N. Barré
- Le Scinque de Tintamarre est presque aussi rare que ses cousins de Petite Terre, et de taille nettement plus petite. Il semble être plus actif et se déplacer davantage.
- Il a tendance à se précipiter sur les petits objets blancs ou à éclat métallique, tels fil de pêche ou hameçon.
- Plus l'heure avance, plus il est vif et moins il se laisse approcher.
Et le dernier jour, presque au même moment sur deux murets différents, deux Scinques furent capturés. Le premier au lasso par Nicolas, le second à la main par Olivier. Un mâle adulte, c'est ce dernier qui servira de "type" lorsqu'il sera déposé au Museum.
Parions que Blair Hedge, que nous avons chargé de réaliser la description taxonomique de ce lézard, lui donnera un nom évoquant Tintamarre.
Il nous faut remercier la DEAL de Guadeloupe pour son soutien financier. Et le personnel de la Réserve pour son appui logistique, et surtout son accueil sympathique. Merci donc à Julien, Amandine, Franck, Steeve, Christophe et Romain !