Sans me vanter, je suis le phénix des hôtes de ces bois. En tant que Toto-Bois, je renais de mes cendres depuis bientôt trente ans que je suis la mascotte de l'association AEVA.
En cette fin d'année, et qui plus est le jour du solstice d'hiver, je salue le côté sacré de cette période. Je n'allumerai pas de bougie (compliqué quand on ne dispose pour cela que de deux ailes et d'un bec), mais je vous fais un présent.
Le teaser est posé, je ne vous fais pas languir plus longtemps. Vous aviez remarqué que depuis quelques temps, mon attention se portait sur les insectes. Pas seulement pour les gober hein ! Non, pour les connaître un peu mieux. Et cette fois, je suis sorti de ma zone de confort : je suis allé prospecter dans un quartier qui ne m'est pas du tout familier : les îles de la Petite Terre.
Pour parler vrai, disons que j'ai envoyé ma fidèle troupe baguenauder dans ce coin chaud et aride, sur lequel je n'ai jamais posé la moindre griffe. Et ce fut un travail d'équipe, une véritable coopération :
L'association Titè et l'ONF, qui gèrent la Réserve naturelle des Îles de la Petite Terre, ont autorisé l'étude, mis à notre disposition leurs moyens nautiques et la maison des gardes, et accompagné les sorties de terrain pour y comprendre quelque chose au monde complexe des Insectes et leurs parents les Arachnides.
L'OFB, au travers de son appel à projets TeMeUm (ultra bel acronyme qui signifie Terres et Mers Ultramarines), a financé l'étude, merci à eux pour leur confiance et leur soutien.
Des experts de Martinique et de l'Hexagone ont aidé à l'identification des spécimens, de façon tout-à-fait gracieuse ! (Merci l'univers).
L'INRAE de Guadeloupe a accepté que tous les spécimens déterminés soient mis en dépôt au sein de sa collection entomologique, et conservés à long terme. Important que le territoire garde ses trésors n'est-ce-pas ?
Le staff d'AEVA a imaginé et formalisé le projet (ils me fatiguent un peu avec leurs idées incessantes), conduit trois expéditions sur les lieux, encadré le personnel de la Réserve, des membres d'AEVA et des étudiants néophytes en la matière, analysé les données, et réalisé ce qu'on appelle les livrables dans le doux jargon de la conduite de projets. A savoir : un rapport scientifique, un livret pédagogique, et un diaporama synthétique pour l'OFB. Reste à organiser une rencontre avec le public de la Désirade (et plus si affinités), pour leur restituer les trouvailles merveilleuses réalisées sur leur territoire. Festivités prévues en mai 2023, mais nous en reparlerons.
Vous avez remarqué que je n'ai cité personne nommément, n'étant pas de nature délatrice. Tous les noms sont dans le rapport, et tout à été rendu aux Césars qui ont participé de près ou de loin.
Un peu plus bas, vous trouverez les liens pour télécharger ces fameux livrables. Mais pour satisfaire un peu votre curiosité (qui est un très bon défaut), voici quelques éléments concrets.
Ça c'était avant
Avant l'étude, seuls 25 taxons* figuraient dans la littérature, ou dans les bases de données naturalistes.
* Taxon : unité de classification hiérarchique des êtres vivants. Dans notre cas, le taxon est une espèce (par exemple, tout-à-fait au hasard, Homo sapiens) ou un genre dont l'espèce n'est pas identifiée (par exemple, Homo sp.). Ou encore une tribu, sous-famille, famille, ordre, dont on ne sait pour le moment rien de plus. Vous ne pensiez tout de même pas que la vie était simple ?
A l'issue de 10 journées de terrain, ce nombre est monté à 150 ! Nous avons fait 6 fois la culbute, j'en ai encore le tournis. Comme quoi quand on cherche, on trouve des choses. Le schéma ci-dessus montre les ordres qui ont été recensés, leur taille étant proportionnelle au nombre de taxons qui composent l'ordre. Tiercé gagnant : Coléoptères, Lépidoptères, Diptères !
Jamais vu sur Terre
Nous savions qu'une espèce de Scorpion fréquentait Petite Terre, certains d'entre nous l'ayant rencontrée dans la douche de la maison des gardes : ce joli petit scorpion jaune répond (lorsqu'il est de bonne humeur) au doux nom de Centrudoïdes pococki. Quelle ne fut pas notre surprise d'en découvrir un autre, à Terre-de-Haut et Terre-de-Bas. Différent, et ne ressemblant à rien de connu.
Bingo ! Espèce jamais décrite auparavant, et de fait endémique de Petite Terre. Nos entomologistes ont rédigé avec LE spécialistes des Scorpions une publication scientifique, qui décrit cette espèce nouvelle. Ils ont eu le privilège de choisir son nom de baptême : Oiclus tite.
Je ne vous en dis pas plus, tout est détaillé dans les documents ci-dessous. Je ne dirai qu'un mot : encore-une-belle-aventure !