Les interviews pas du tout imaginaires du Toto-Bois.
Nous vous l'avions dit, 2014, année de la Désirade. Pour tenter de percer le mystère des Scinques, nous y avons envoyé un émissaire. Avec une mission simple : arpenter tout ce qui peut l'être sur le caillou long, ouvrir l'oeil et le bon, faire preuve de la plus grande discrétion, interroger mine de rien la population.
Un agent secret ? My name is Métaireau. Paul Métaireau.
Il faut bien avouer qu'on en sait peu sur ce petit lézard appelé Scinque, qui pourtant habite depuis bien longtemps la Désirade. Certains résidents d'un certain âge, qui couraient les friches ou s'occupaient des cabris, vous diront pourtant que ces zandolis dorés, il les voyaient souvent. Mais difficile d'obtenir des informations précises.
La première observation rapportée dans les textes remonte à loin. Deux mâles de Scinques avaient été collectés le 28 février 1963 par Albert Schwartz et Richard Thomas à l’anse d’Échelle, et déposés au Museum of Natural History de l’université du Kansas à Lawrence. Les animaux se trouvaient dans des crevasses de rochers parmi des Raisiniers bord de mer. Ces deux spécimens ont permis à Hedges & Conn de décrire le Scinque de la Désirade (Mabuya desiradae) en 2012.
Puis en 2000, Michel Breuil et Béatrice Ibéné rapportent la présence d'un individu dans la zone de la pointe du Désert. En 2009, premier portrait ! Tiré par Thomas Paré dans la ravine au-dessus du collège. Cliché suivant en 2011, par Maurice Wininger à la Voûte à Pins. Depuis, la machine s'est emballée, et il nous a paru urgent de mener l'enquête sérieusement. D'où l'arrivée de Paul en mai 2014.
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Toto-Bois : Paul, qui es-tu ?
Paul : Un étudiant, un futur ex-étudiant, un Ardéchois, un Montpelliérain, un écolo, un amoureux de la nature : des plantes, des insectes, des animaux, des paysages… J’aime aussi voyager, rencontrer des gens avec qui partager, faire des randonnées, découvrir de nouveaux lieux et pays, j’aime l’eau, la terre, la forêt, les zones désertiques… Je suis également en recherche d’un travail, alors n’hésitez pas à me contacter !
Toto-Bois : A ce qu'il paraît, tu as accepté de passer deux mois sur l'île de la Désirade pour essayer d'en savoir un peu plus sur le Scinque, cette espèce endémique de Désirade et Petite Terre. Quel est le travail qui t'a été confié par ces brutes d'AEVA ?
Préparation du protocole, et serrage de lacets obligatoire.
Paul : Mon travail a été d’apporter le plus d’informations possibles sur ce magnifique lézard. Les débuts n’ont pas été faciles : zéro observation pendant une semaine. Mais petit à petit, j’ai commencé à savoir ou les chercher, comment avancer dans la végétation et comment essayer de les surprendre avant qu’ils ne me voient. A ce moment là je me suis dit que l’objectif que nous étions fixés, c'est-à-dire d’avoir un maximum d’observations afin de créer une carte des localités ou l’espèce est présente était réalisable. Chaque observation était donc relevée avec un GPS, des photos des individus étaient prises si possible et une description du milieu et de la végétation était faite. Pendant que je parcourais l’île de long en large, j’ai également relevé les observations d’autres espèces : agoutis, iguanes des petites antilles, gymnophtalmes d’Underwood, sphérodactyle bizarre, chats et rats ; autant profiter de mes prospections pour comptabiliser un maximum d’informations sur cette île.
Toto-Bois : Si tu devais résumer tes résultats en 2 mots 4 paroles, quels seraient-ils ?
Paul : 64 observations avec plus de la moitié prises en photo, plusieurs nouvelles localités : extrémité est du plateau, grand abaque, ravines au-dessus de Beauséjour plus une grosse concentration d’individus sur la partie nord-ouest de l’île (ravine Banane). Premières observations de jeunes, premières observations d’individus dans la végétation, insectivores, aiment les endroits avec une litière importante et des pierres affleurantes, prédateurs : chats et rats.
Toto-Bois : Que conseillerais-tu pour que la population de Scinques présente sur la Désirade ait de beaux jours devant elle ?
Paul : Je pense que la préoccupation majeure est la présence de la petite mangouste indienne. Les quelques observations qui ont étés faites sur La Désirade sont à prendre au sérieux. L’éradication de cette espèce est indispensable pour le maintien des scinques. Il serait également judicieux d’étudier les interactions chats-rats-scinques afin de comprendre qui prédate qui, dans quelle mesure et quelles sont les conséquences sur les scinques. Nous avons la chance d’avoir deux îles présentant cette espèce de lézard, dont une des deux ou le chat est absent… Enfin il faut continuer à sensibiliser les habitants de La Désirade, qui associent souvent cette espèce à quelque chose de repoussant, or on peut imaginer que l’action de l’homme peu impacter fortement cette espèce (défrichement, élimination manuelle…).
"On a beaucoup exagéré sur mon rôle, j'adore les lézards".
Toto-Bois : Et pour finir, une question un peu indiscrète, quels ont été tes expériences ou souvenirs les plus marquants lors de ton séjour à la Désirade ?
Paul : Sans aucun doute les nombreux moments passés seul, perdu dans la forêt, dans une ravine ou sur la pente d’un morne, à écouter chaque petit bruit, à regarder tout autour de soi et à profiter au maximum de cette sensation de liberté ! J’ai aussi beaucoup apprécié le poisson cuisiné par Lydie, les crabes et langouste offert par Joël et mangés avec Julien, les moments passés dans la nature avec toutes les personnes qui m’ont accompagné : Thomas, Joël, Nicolas, Marie-France, Claudie, Emilie, Anthony, … Enfin j’ai adoré partir à la chasse aux iguanes avec le Gaïac, sauter de mancenillier en mancenillier, attraper une queue d’iguane…
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Avant de rendre l'antenne aux studios 971monamour, je voudrais dire que je le trouve un peu modeste le Paul. En moins de deux semaines, il est devenu capable de repérer plusieurs scinques par jour : de mémoire de Toto-Bois, seules 4 ou 5 personnes ont réussi cet exploit à ce jour (je ne compte pas les chats dans les personnes, car ceux-là sont également très doués pour repérer ces lézards, les attraper, et réaliser pour nous les prélèvements d'ADN !).
Egalement capable de crapahuter sans (trop) se perdre dans le zaion, supporter (plus ou moins) les grosses chaleurs, ne (presque) pas se plaindre du chikungunya, attrapé en fin de séjour.
Et auteur d'une première mondiale : une vidéo de la bestiole, à découvrir sans plus attendre sur Tub a-w.
Le rapport de stage de Paul sera disponible très prochainement sur ce même blog, le temps que le staf du bureau le passe à la moulinette, pas question d'y laisser la moindre coquille, parole de piaf.