Le Parc National de la Guadeloupe s'intéresse de près à un oiseau très discret, le Râle gris. Cet habitant des mangroves ne se laisse pas observer facilement. Il est plus fréquent de l'entendre, mais il chante de préférence la nuit. Un oeil afûté remarquera cependant un râle sur le dessin, surpris tout-à-fait par hasard lors d'une promenade en kayak du côté de l'îlet La Biche.
En 1995, Simone Mège avait étudié les râles à l'îlet Fajou, où vit une population de plusieurs dizaines d'individus. L'étude précise qu'ils se nourrissent entre autres de crabes, se déplacent au sol et nichent au niveau des pneumatophores ou des branches basses des palétuviers.
Quelle horreur, pourquoi ne pas nicher comme moi bien au sec !
Tous les goûts (et les égouts) sont dans la nature.
Le Parc voudrait savoir si les autres zones potentiellement favorables du Grand Cul-de-sac marin hébergent aussi le râle.
N'écoutant que leur courage, quelques fondu(e)s d'AEVA ont accepté de donner un coup de main, et ont été chargés de suivre 5 points dans la zone de Birmingham / Pont de l'Alliance à Baie-Mahault. Pas moins de trois répétions en mars, avril, mai.
La technique est simple.
Se lever tôt.
Accepter de patauger, armé seulement d'une lampe frontale.
Rester un petit moment les pieds dans la boue, la tête dans les étoiles. Ecouter. Si rien ne vient (hormis les yenyens), sortir le lecteur MP3, et s'adonner à ce qu'on appelle la repasse, en jargon ornitho. La bonne vieille technique de l'appeau, mais en version numérique (ne pas oublier les piles, sinon colère assurée du patriarche).
Entretemps le soleil s'est levé, hâtons-nous. Il est dit dans la bible du râle qu'au-delà d'une heure après le lever du soleil, les chances de contact fondent comme neige au soleil.
Une dernière écoute attentive, bien calé sur une racine. Rien cette fois dans la zone, alors qu'en avril, victoire, le râle fut entendu après la repasse sur un des 5 points. Mais en compensation, le spectacle des palétuviers rouges la nuit, les petits crabes violonistes qui détalent en pagaille, un sphinx aux yeux phosphorescents, les pneumatophores noirâtres tels des petits crayons dressés, et une libellue prise dans le faisceau de la frontale...